Du 12 juillet au 6 septembre, le Grimaldi Forum a proposé aux visiteurs de l’exposition « De Chagall à Malévitch, la révolution des avant-gardes », de devenir, l’espace d’un instant, commissaire d’exposition en s’appropriant les Å“uvres de l’avant-garde russe grâce à un dispositif numérique innovant.
Via une table tactile installée au cÅ“ur d’un espace immersif et interactif, les visiteurs peuvent faire leur propre accrochage des Å“uvres découvertes tout au long de l’exposition. En toute fluidité les Å“uvres « coup de cÅ“ur » glissent de la table tactile sur l’immense mur incurvé de la pièce où elles seront projetées. Une fois son accrochage terminé, les visiteurs peuvent se faire photographier automatiquement au centre de leur accrochage et partager leurs selfies sur la page Facebook dédiée au dispositif.
QUESTIONS A : Nadége MASSE, Responsable de la communication du Grimaldi Forum et Emmanuel ROUILLIER, gérant de l’agence Mosquito
Comment est née l’idée de ce dispositif ?
Nadége Masse : Le Grimaldi Forum a initié depuis quelques années une réflexion quant à l’intégration de dispositifs numériques de médiation culturelle à l’intérieur de ses expositions estivales, afin d’accroitre l’expérience de visite.
L’année dernière nous avions franchis un premier cap en proposant en toute sortie de l’exposition ArtLovers, Histoires d’Art dans la Collection Pinault, l’animation ARTLOVERS TV. Le public était alors invité à créer sa chronique TV en répondant à 3 questions en 3 minutes chrono. Quelques 10 000 vidéos ont été enregistrées sur les 2 mois d’expo et nous avons noté une augmentation de 4% de notre visitorat des moins de 18 ans.
Nous avons depuis muri notre réflexion vers une installation du dispositif comme partie intégrante de l’expérience de visite. Cette année un nouveau cap est franchi : nous avons souhaité placer cette fois à l’intérieur de l’exposition De Chagall à Malévitch, la révolution des avant-gardes, une animation ludique en lien direct avec les Œuvres présentées. Du 12 juillet au 6 septembre prochains, les visiteurs vont pouvoir devenir, l’espace d’un instant, commissaire d’exposition en s’appropriant les Œuvres de l’avant-garde russe. My Touch Gallery permet ainsi, via une table tactile installée au cŒur d’un espace immersif et interactif, aux visiteurs de faire leur propre accrochage scénographique des Œuvres découvertes tout au long du parcours scénographique.
Ce dispositif à été imaginé en collaboration avec l’équipe du Forum Grimaldi à partir d’un prototype qui avait été déjà réalisé dans le cadre de Muséomix 2013 au musée des Arts décoratif à Paris.
Comment avez-vous choisi Mosquito ?
NM : Nous avions rencontré Mosquito en 2014 lors d’une rencontre organisée par le CLIC France à un moment où nous entamions notre réflexion autour de l’animation de notre exposition estivale 2015. L’expérience muséale de l’agence, son expertise associée à une originalité créative nous ont donné envie de les challenger sur un dispositif qui pourrait nous correspondre. L’aventure a démarré ainsi.
Comment et grâce à quelle implication du commissaire d’exposition cet espace immersif et interactif s’est-il intégré dans la scénographie générale de l’exposition ?
NM : Le commissaire d’exposition, Monsieur Jean-Louis PRAT, avait une idée très précise de sa scénographie, déployée sur 4000 m2 , inspirée de l’Œuvre de Malévitch lui-même, c’est-à -dire le carré, le rond et la croix sur fond blanc de l’artiste comme pour résumer le choc visuel et esthétique de l’exposition.
Dans cette scénographie une salle ronde se prêtait parfaitement à l’exercice. Nous avons donc proposé très tôt à Monsieur Prat de la transformer en un espace immersif interactif et l’exercice lui a plu. Il a tout de suite imaginé que nous pouvions venir projeter sur le mur incurvé de 9m de long par 3m50 de haut, au sein d’un espace de 100m2.
La grande image et la pièce ronde crééent un effet immersif, les visiteurs entrent totalement dans l’image. Nous avions trouvé l’espace adéquat au sein de l’exposition nous permettant de garder le visiteur dans le concept global de la scénographie. Nous avons ainsi proposé à Mosquito d’investir cette salle en ayant une vision d’ensemble de la scénographie, du parcours de visite et des 150 Œuvres présentées, allant de 1905 à 1930.
Emmanuel Rouillier : Jean-Louis Prat le commissaire de l’exposition (ancien directeur de la fondation Maeght) à été immédiatement emballé par le dispositif, il adore cette petite bulle ludique et participative juste avant la fin de son exposition.
Quels sont les objectifs du dispositif ?
NM : Le souhait est d’offrir, au sein du parcours de visite une pause ludique et récréative permettant de s’approprier les Œuvres. D’atteindre le rêve de devenir à la fois commissaire et scénographe et partager sa curation. L’objectif est d’augmenter l’expérience de visite, de pérenniser l’intérêt du jeune visitorat pour nos expositions, tout en proposant à notre public traditionnel une animation facilement accessible et attractive. Une expérience que nous avons voulu transmédia et facilement partageable afin d’accroître le rayonnement et la communication autour de l’exposition.
Où se situe-t-il dans le parcours ?
NM : L’espace se situe dans l’avant dernière salle du parcours. Elle est le pendant de la deuxième salle de la visite, car dans jeu de symétrie, les deux espaces se font face, séparés par une croix centrale où trône la sculpture monumentale de Tatline. De cet espace immersif le visiteur peut garder un Œil sur l’ensemble de l’exposition par des ouvertures s’ouvrant vers la croix centrale.
Quel est le fonctionnement de la table tactile ?
ER : La table tactile utilise un écran de 65 pouces, elle a été dessinée et réalisée sur mesure. Elle pilote la projection. Les utilisateurs, choisissent les Œuvres dans un grand navigateur dans lequel les 150 Œuvres sont présentées dans l’ordre d’apparition de l’exposition, avec une indication de chaque section. Toujours via la table, ils les glissent dans une zone qui représente la cimaise pour réaliser leur accrochage / compositions, celles-ci sont vidéo projetées en temps réel sur le mur. Le public réalise ainsi l’accrochage de la dernière salle en fonction de ses envies et de ses coups de cœur.
Le visiteur peut déplacer les oeuvres, les agrandir et les faire tourner dans tous les sens, la proportion est toujours respectée. Le cartel de l’Œuvre « active » s’affiche dans une zone de l’interface de la table.
Le dispositif se prolonge-t-il hors les murs de l’exposition ?
ER : Oui, le dispositif intègre aussi une dimension transmédia : une fois l’accrochage réalisé, il permet aux utilisateurs de créer un selfie, en lançant une séquence de prise de photo. Comme dans un photomaton géant, un timer est lancé et l’utilisateur est invité à se placer devant l’écran, 4 photos sont prisent en rafale, l’utilisateur choisi alors celle qu’il préfère. En la validant il déclenche sa publication immédiate sur une page Facebook spécialement créée pour le dispositif, ainsi que son affichage plein écran sur le mur de la salle. Plusieurs consignes et QR codes l’invitent à se rendre sur la page pour la partager avec ses contacts. Pendant les phases d’inactivité, un écran de veille diffuse sur le mur sphérique les dernières photos réalisées par les utilisateurs dans un ordre antéchronologique.
Avez-vous rencontré des difficultés ?
ER : Du point de vue technique, le dispositif intègre plusieurs difficultés : une interface multitouch, une projection vidéo de grand format à 2 projecteurs (gestion du edge blending) avec une déformation sphérique (mapping 3D), une prise de photo automatisée (avec les problèmes de cadrage, de focale, de mise au point et de qualité de l’image finale) et un connexion avec l’API Facebook.
Comment avez-vous géré les droits d’auteurs ?
NM : Nous n’avons pas eu de difficultés à propos des droits d’auteur, car nous avions négocié en amont les droits pour l’utilisation des Œuvres sur les réseaux sociaux, en même temps que les droits pour l’utilisation presse. De plus, il s’agit au fond de partager la photo d’une projection murale.
Pourquoi avoir créé cette possibilité du selfie du visiteur ?
NM : Pour marquer son passage au Grimaldi Forum et donner la possibilité au public d’avoir un souvenir original et immédiat de sa visite, sans oublier le plaisir de pouvoir la partager avec son groupe d’amis.
ER : Du point de vue design interactif, la difficulté est de trouver la stratégie pour que les utilisateurs entrent dans le jeu, créer ce moment thé tralisé, ou le visiteur va se réapproprier les éléments et les sensations éprouvées pendant sa visite pour aller jusqu’à se mettre en scène, sous les projecteurs, pour une séance photo improvisée.
Devenir curateur, intervenir sur l’accrochage de la salle, s’approprier les œuvres, c’est sur ce fantasme commun à de nombreux visiteurs d’exposition que s’appuie le dispositif pour provoquer de l’engagement. Comme dans tout gameplay, l’affichage de la photo et la publication sur Facebook sont une gratification, le visiteurs se retrouve pour quelques instants, valorisé, vedette au milieu des ouvres de l’exposition, et peut confronter sa production avec les images produites par les autres visiteurs, dans un bon esprit, formant une émulation sympathique.
La table présente les 10 Œuvres les plus choisies par les visiteurs : avez-vous prévu de faire quelque chose de particulier avec les 10 Œuvres les plus sélectionnées ?
NM : Nous allons à la fin de l’exposition afficher le Top 10 sur la page Facebook afin de partager le résultat avec tous les visiteurs ayant participés à l’animation.
Reprise du texte de l’article consacré par le Clic france.
REMERCIEMENTS
Emmanuel Rouillier : design interactif, UI et UX Design
Arnaud Waels : développeur multi touch
Colin Bouvry : codeur créatif
Claire Mouret : design mobilier
Et toute l’équipe de l’expo